Shifting Bobbins
Puisque nous sommes sur la piste des informations sur les danses qui s’inscrivent dans notre répertoire, j’en profite pour partager avec vous certaines idées qui me viennent à l’esprit au sujet de la danse « Shifting Bobbins ». Il existait à l’époque de la manufacture des textiles en Ecosse, le métier de « bobbin shifter » dont la tâche était de parcourir les longues lignes de machines qui embobinaient le fil. C’était un métier exténuant car il s’agissait d’enlever les bobines pleines et les remplacer par des vides. L’espace entre les lignes était limité et les courroies non protégées représentaient un danger constant. On y employait souvent des enfants ou des femmes de petite taille. Il n’y avait pas de temps de repos et le bruit était infernal. Une jeune militante syndicaliste et féministe a écrit une chanson là-dessus, et j’ai eu l’honneur de rencontrer cette vieille « guerrière », Mary Brooksbank, vers la fin de sa vie. A noter, elle fut expulsée du parti communiste en 1930 pour avoir critiqué Staline, et avoir créé une association de femmes (trois cents) pour apprendre à prendre la parole face à leurs patrons.
Voici des paroles de son chant, qui est connu sur deux noms, « The Jute Mill Song » and « Shifting Bobbins ».
O, dear me, the mill’s runnin fest
And wee poor shifters canna get nae rest
Shiftin bobbins,coorse and fine
They fairly mak ye work for your ten and nine
O dear me, I wish this day was done
Runnin up and doon the pass is nae fun
Shiftin, piecing, spinning warp and twine
Tae feed and claith my bairnies affa ten and nine
O dear me, the world’s ill divided
Them that works the hardest is the least provided
But I maun bide contented, dark days and fine
There’s no much pleasure living affa ten and nine.
Traduction de l’écossais
O mon dieu, le Moulin va vite
Et nous les pauvres « shifters », il n’y a pas de pause pour nous
Enlevant des bobines, fils rudes et fins
Qu’est-ce qu’on te fait galérer pour tes dix shillings, neuf pence
( = 60 centimes) [ ten and nine ]
O mon Dieu je voudrais que ma journée se termine
Courant le long du passage, ce n’est point un plaisir
Déplaçant, joignant , filant chaine, trame et ficelle
Tout pour nourrir et vêtir mon gosse pour ten and nine
O mon Dieu le monde est mal partagé
Ceux qui bossent le plus dur sont les moins rémunérés
Mais je dois m’en contenter par des jours noirs et beaux
Il n’y a pas beaucoup de plaisir à travailler pour ten and nine.
Mary est née dans une pauvreté extrême et elle se rappelle que sa mère, n’ayant pas de chaussures pour son mariage, est allée à l’église pieds nus !
Ses souvenirs et chants se trouvent dans les archives sonores nationales d’Ecosse ; Google, Tobar and dualchais, cliquer sur index, taper Mary Brooksbank et sélectionner Scots, comme langue. Vous pouvez également m’écouter en tapant , Andrew Robb Hunter , toujours Scots, comme langue. Mon premier enregistrement date de mes quinze ans, mais je n’ai pas eu le courage encore de me ré-écouter !
Andrew