Le Reel de Kandahar

Je vais ouvrir une parenthèse dans mes articles historiques, car parfois l’histoire se fait  juste à côté de nous, devant nos yeux.  Il y a un mois une nouvelle danse écossaise a fait la « une » des journaux en Ecosse ; il s’agissait d’une danse conçue en Afghanistan par deux jeunes officiers du bataillon Black Watch des Highlanders. Les lieutenants Colqhuoun (prononcé Colhoun) deux cousins, comme tous leurs frères officiers dans les régiments écossais, ont eu une formation en danses écossaises comme partie intégrale de leur formation militaire.  Les hommes dansent avec des hommes et le tout est une préparation du grand bal annuel de leur régiment.

Pour meubler les périodes d’attente et de repos pendant la période de service du régiment en Afghanistan, ils se sont mis à concevoir une danse qui serait une expression de leur quotidien dans ce pays ravagé par la guerre et qui servirait à rappeler les lourds sacrifices  de leurs camarades.  Pour ce faire,  il fallait trouver une combinaison de figures qui représenterait une journée de combat. Je cite les paroles des auteurs de la danse enregistrées par des journalistes :

<< Notre période de service avait été très dure. On connaissait des hauts grisants mais  aussi des bas difficiles à supporter. On retient aussi le souvenir des moments très forts de la camaraderie entre soldats, l’humour la veille des opérations. Une fois engagés dans les combats beaucoup ont témoigné de faits vécus en six mois qu’ils n’auraient pas voulu avoir à vivre en une vie entière. Certains ne reverront plus leur chère Ecosse et c’est pour ceux-là et tous ceux qui ont souffert que nous avons fait cette danse qui porte en elle les images d’une action typique. 

Nous avons gribouillé dans nos carnets des ébauches de figures dans les tentes, des fois en essayant une suite de pas dans nos rangers ! On a galéré longtemps car il fallait surtout conserver les symboles. On imaginait la préparation d’une action. Les gars se rassemblaient formant une chaîne jusqu’ à  l’hélico (marque « Chinook ») – chacun donnant un coup de main pour monter dans la machine qui comporte deux grandes hélices. Deux couples tournent pour représenter le démarrage. Ensuite quatre couples se joignent en moulin et on y voit les deux hélices tourner. Ensuite nous représentons un autre hélicoptère, un « Blackhawk » à une seule hélice ...la machine utilisée pour évacuer les blessés. Finalement  l’apparition du Chinook et le retour à la base. Et, tout d’un coup, ça a marché ! La danse avait trouvé sa cohésion.  

Dans un premier temps nous avons utilisé la musique d’un reel traditionnel « Speed the Plough »  Mais mon cousin Rob a contacté un ami sonneur, Jamie Forrester qui a composé un air nouveau qu’il a appelé « The Helmand Highlanders »

Notre premier objectif était de présenter la danse lors du grand bal des régiments à Fort George (Inverness) qui allait être organisé pour fêter le retour en Ecosse. Ceci a été fait et notre colonel à titre honorifique, le Prince Charles, a laissé savoir qu’il serait intéressé de voir une démonstration. Certains membres clef de notre groupe de démonstration étant en mission il fallait recruter d’autres et très vite. Imaginez notre trac devant le prince et pire encore, 500 de nos hommes et leurs épouses. Tout s’est très bien passé malgré les difficultés. Notre danse s’est trouvée ensuite incluse dans les bals annuels de Skye et d’Oban.

La Royal Scottish Country Dance Society a créé une fiche technique et un CD. Ceci est en vente et tous les profits sont reversés à une association caritative de l’Armée. Une revue japonaise en a fait un article et la danse a connu un grand succès aux Etats-Unis. Il y a un projet de la présenter au « Tattoo » en août prochain.>>

Quant  à Scottish Dancing Ar Skorv,  nous étudions actuellement avec Christian la possibilité d’apprendre cette danse et de pouvoir nous targuer d’être le premier groupe en France à la présenter. D’ailleurs je crois que nos amis écossais  trouveraient très approprié que nous associions les sentiments d’origine en souvenir de nos jeunes victimes françaises du même conflit.

Andrew

Et la vidéo ici (merci René !)